Cela fait désormais près de 15 ans que le concept d'industrie 4.0 a été théorisé et popularisé par les grands cabinets de conseil et experts en nouvelles technologies. L'idée ? Tirer pleinement parti du potentiel de rupture du numérique - intelligence artificielle, objets connectés, cloud, big data, etc. - Pour transformer en profondeur les modes de production industrielle.
Pourtant, force est de constater que la France accuse un retard important, pour ne pas dire inquiétant, dans la mise en œuvre concrète de cette 4ème révolution industrielle au sein de ses usines et sites de production. Un retard d'autant plus préoccupant qu'il met en jeu la compétitivité de tout un pan clé de l'économie nationale.
Les chiffres sont en effet éloquents. Selon la dernière étude de PwC parue en 2022, seuls 10% des entreprises industrielles françaises peuvent se prévaloir d'avoir déployé une "usine 100% digitale et connectée". Une proportion dérisoire, quand on sait que dans le même temps, les deux tiers des autres groupes n'en sont qu'aux balbutiements de leur transformation, avec des déploiements partiels qui n'obtiennent que des résultats insatisfaisants.
Ce constat chiffré vient corroborer les observations de terrain accumulées ces dernières années par les équipes d’OSS Ventures. Qu'elles soient relatives à de grands groupes ou des PME, nous avons été frappés par le manque de maturité numérique des sites de production français.
Et ce constat semble partagé. Dans la plupart des usines où nous intervenons, nous constatons un réel retard dans l'adoption des technologies clés de l'industrie 4.0 comme l'intelligence artificielle, les jumeaux numériques, la réalité augmentée ou encore la blockchain pour tracer les produits.
Le plus alarmant est que les ruptures technologiques à venir dans l'industrie s'annoncent rapides et massives. L'intelligence artificielle appliquée aux processus de production, la conception de produits entièrement pilotés par le logiciel ou encore les modèles économiques de "produit-as-a-service" vont bouleverser en profondeur de nombreux secteurs.
Dans ce contexte de mutation accélérée, ceux qui n'auront pas pris le virage de l'usine 4.0 à temps risquent fort de se faire laminer par la vague de fond du numérique. Les entreprises les plus agiles et en avance sur ces transformations prendront un avantage compétitif décisif et durable sur leurs concurrents à la traîne.
Le constat dressé par la dernière étude d'Innofact en 2023 est d'ailleurs préoccupant : ”Le décalage entre la perception que les industriels ont de leur niveau d'avancement dans leur transformation digitale et la réalité du terrain, en particulier autour des questions de qualité des données et de leur silotage, est inquiétant”.
Autrement dit, non seulement nos usines accusent un retard criant, mais une majorité de leurs dirigeants n'en a même pas pleinement conscience. Une forme d'aveuglement qui les empêche de prendre la pleine mesure des changements à mener pour ne pas se faire distancer par la concurrence internationale.
Beaucoup de patrons se voilent encore la face en se disant qu'ils ont déjà fait le plus gros en automatisant certains process ou en déployant quelques solutions de suivi de production, mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg
Si ce retard venait à se confirmer, les conséquences pour l'industrie tricolore seraient désastreuses en termes d'emplois détruits, de parts de marché perdues et de décrochage compétitif durable.
Ainsi, les fondations n’étant toujours pas là, une majorité d’acteurs sont dans l’impossibilité de mettre en oeuvre:
- l’ IA industrielle qui n’est pas une chimère mais une réalité présente qui balaiera rapidement ceux qui n’y seront pas passés
- le Software Defined Hardware, où le pilotage du hardware par le logiciel, comme on le constate déjà dans l’Automobile (Tesla, BYD,…) ou les robots, secteur dans lequel le matériel est en train de devenir une commodité et où la valeur est dans le logiciel.
- le Product as a Service qui permet un changement de business model à l’usage rendu possible par une maîtrise de la donnée
Dans cette serie d’articles, nous allons nous efforcer d'identifier les racines de ce problème de retard au démarrage et soumettre des propositions de solution pour tenter d'y remédier. Seule une prise de conscience au plus haut niveau permettra d'amorcer les transformations fondamentales à même de redonner un avantage compétitif à l'outil industriel français.