Rien qu'en se promenant dans les allées d'une usine, on mesure à quel point la gestion des données est encore aujourd'hui un enjeu primordial - et problématique - pour les industriels français. D'un service à l'autre, personne ne semble disposer des mêmes chiffres fiables sur des indicateurs clés comme la production, la qualité ou la maintenance. Un manque criant de données unifiées et partagées par tous, qui mine les capacités de pilotage de l'outil industriel.
La raison de ce chao ? Elle est à chercher du côté des systèmes d'information historiques des usines, souvent concentrés dans quelques solutions monolithiques comme les progiciels de gestion intégrée (ERP) ou les systèmes de gestion de production (MES/SGP). De vieilles architectures conçues dans une logique de silos cloisonnés, bien trop rigides pour faire face aux nouveaux défis de l'industrie 4.0.
Chaque service a ses propres outils qui ne communiquent pas ou mal entre eux. Un véritable coup de frein pour les usines qui cherchent à déployer des solutions de suivi de production en temps réel, de maintenance prédictive ou d'optimisation des flux.
Pour s'extraire de cette ornière et basculer dans l'ère de l'usine intelligente, les entreprises industrielles n'ont d'autre choix que d'opérer une petite révolution dans leur gestion des données. Elles doivent déployer de nouveaux outils logiciels verticalisés capables de capter et d'unifier les données métiers de référence, qu'elles proviennent des équipements, des opérateurs ou des systèmes corporates.
Ces systèmes d'information spécialisés sur un métier comme le contrôle qualité, la maintenance prédictive ou la gestion des compétences doivent viendront se greffer à un énorme entrepôt central de données brutes : le data lake et l'approche "best of breed" centrée sur les données. Cette vision repose sur la sélection des meilleures solutions logicielles du marché pour chaque fonction spécifique, plutôt que de s'en remettre à un système unique censé couvrir tous les besoins. Cette modularité permet aux entreprises d'assembler un écosystème logiciel adapté à leurs processus uniques, garantissant ainsi une meilleure performance et une plus grande flexibilité.
La clé de cette transformation réside dans la mise en place d'une organisation centrée sur les données, où les lacs de données (data lakes), la gouvernance des données (data governance) et les modèles de données (data models) deviennent les piliers de l'infrastructure IT. Cette architecture favorise une continuité numérique où chaque logiciel, devenant une interface de capture de données (qu'elles proviennent de machines ou d'humains), doit offrir une expérience utilisateur optimale pour encourager la création et le partage de données de qualité.
En adoptant cette approche, les entreprises peuvent facilement intégrer de nouvelles solutions logicielles, se libérant ainsi de la dépendance à des systèmes obsolètes et peu appréciés, sans pour autant engager des coûts ou des durées de projet prohibitifs. Cette agilité retrouvée permet non seulement de répondre plus efficacement aux besoins actuels, mais aussi d'anticiper et de s'adapter aux changements futurs, assurant ainsi une compétitivité durable dans l'environnement dynamique de l'industrie 4.0.
Ce nouveau modèle en rupture permet d'avoir enfin une vision à 360 degrés et des indicateurs de performance fiables pour piloter l'entreprise. Le tout en s'affranchissant des rigidités des anciennes architectures en silos pour communiquer avec d'autres solutions tournées vers l'intelligence artificielle ou la blockchain par exemple.
Une telle modernisation de la gestion des données est indispensable pour passer à la vitesse supérieure dans l'usine du futur. Elle permettra de gagner en réactivité, d'optimiser les processus de production, de déployer des cas d'usage avancés comme la maintenance prédictive ou l'IoT industriel.
Bref, tout ce qui fait la promesse de l'industrie 4.0 : production en juste-à-temps, économies d'énergie, traçabilité des produits... Autant de dimensions impossibles à mettre en oeuvre efficacement sans cette mise à niveau de la data industrielle.
L'heure est donc à un changement de paradigme : délaisser l'ancienne vision logiciel-centrique au profit d'une approche modulaire et orientée données. Cette transition vers un écosystème "best of breed" et data-centric redonne aux organisations industrielles l'agilité et la capacité d'innovation nécessaires pour prospérer dans l'ère numérique.